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La Religion au Japon

               Au cœur de la ville, caché entre quelques arbrisseaux, retranchés sur des chemins de terre, il n’est pas rare de croiser un petit sanctuaire. Là, tout simplement dressé sur la route d’un dieu, comme partie intégrante de la culture ancestrale du Japon. Une ode à la nature, à la montagne puissamment érigée vers le ciel, aux eaux charriant la vie ; prière à Bouddha, à sa pensée d’ascète et sa considération de la douleur. Sanctuaire, ou temple ? Shintoïsme ou bouddhisme ? Difficile de s’y retrouver, dans un pays où la culture religieuse s’est entremêlée dans un syncrétisme des plus harmonieux. En effet, considérés comme les cultes principaux du Japon, le Shintoïsme et le Bouddhisme cohabitent depuis des décennies dans une harmonie parfaite.  L’un complétant les croyances de l’autre dans un enrichissement mutuel ; l’intégration et l’interrelation est telle qu’il est souvent bien difficile de distinguer les édifices se rattachant à chacune de ces religions. La plupart des japonais se considèrent d’ailleurs à la fois bouddhiste et shintoïste, à près de 70% de la population quand bien même ils ne sachent généralement pas répondre à la question « à quelle confession vous sentez-vous appartenir ». Dans la réalité, la pratique est lâche et flexible, car si les japonais se recueillent régulièrement en ces lieux sacrés, il est cependant difficile de discerner religion et croyance, foi et conformisme social ou encore rite et coutume. D’aucuns se diront sans religion, mais d’une tradition familiale se rendront au sanctuaire à la nouvelle année ou pour prier le succès des examens, se marieront dans une église pour la mode du mariage à l’occidentale et se verront offrir des funérailles au sein d’un temple bouddhiste.

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​♠  Le Shintoïsme ou le sacre de la nature 

♠  Le Bouddhisme ou la poursuite de la sérénité 

♠  Shinto-Bouddhisme ; une histoire qui s'entrecroise 

♠  Autres minorités cultuelles 

 

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                    L E   S H I N T O Ï S M E   O U   L E   S A C R E   D E   L A   N A T U R E

 

                Issu de la culture ancestrale du Japon, le Shinto est avant tout lié aux origines de sa création et à celle de l’instauration de la lignée impériale. Désigné comme la plus ancienne religion du Pays du Soleil Levant, elle est en effet intrinsèquement liée à sa mythologie. Pour autant, les origines de ce culte restent encore méconnues. On le dit fondé à la fin de la période Jomon (15 000-300 avant notre ère), potentiellement lié à l’accession des ancêtres de la famille impériale au pouvoir. Les différentes tribus, qui avaient alors lors propres dieux et rituels, se seraient alignés sur les croyances de la famille au pouvoir tout en conservant parallèlement leurs propres systèmes cultuels. C’est avec l’écriture au Ve siècle, l’ancrage des sociétés dans la civilisation et l’avènement du Bouddhisme au Japon durant le VIe siècle que le shinto gagne devient un système de croyance unifié. Le Kojiki (« récit des choses anciennes ») et le Nihon Shoki (ou « chroniques du Japon ») sont alors rédigés pour relater la mythologie japonaise tout en asseyant la légitimité de la famille impériale, en ces temps contestée par des groupes rivaux, comme descendante de la déesse Amaterasu qui « fait briller le ciel », elle-même engendrée par les divinités primordiales Izanami et Izanagi à qui revient la création de la péninsule. Il s’agit en fait de chroniques abordant la généalogie des divinités et des humains depuis la création du Japon.  

 

Le Shintoïsme

Nohon Shoki

Amaterasu

                Savant mélange entre animisme, polythéisme et culte des ancêtres, il est le sacre de la nature. Le profond respect qui en découle définit la place de l’homme dans l’univers comme un élément du grand Tout. Ainsi dans le Shinto, tout est divinité : rocher, rivière, montagne, astre, forêt ou notions abstraites telles que la fertilité incarnent une réalité supérieure. Chacun de ces endroits étant sous le règne protecteur d’une multitude d’esprits appelés Kami ; littéralement « ce qui est au-dessus des hommes », « supérieur à la condition humaine ». Le Kokiji liste quelques 300 variétés de Kami qui ont tous une fonction différente. Ancêtres et héros valeureux peuvent aussi être considérés en tant que tels après leur mort. Le shintoïsme ne connait pas de dieu unique, il recense au contraire « huit cent myriades » de Kami, autrement dit un nombre infini, d’où le surnom du Japon « Shinkoku » ou le « pays des divinités ». Tout ce qui est grand et inexpliqué se fait Kami. Souvent, les ils s’avèrent beaucoup plus humains que les dieux et déesses d’autres religions antiques que nous connaissons, et ils sont par moment capables revêtir une apparence humaine. Par ailleurs, les Kami connaissent le cycle de la vie, ils naissent, vivent et meurent avant de renaître. Ils ne sont pas seulement bons ou positifs, mais duaux. Leur personnalité étant divergente, il convient de les respecter. Alors ils peuvent nourrir et aimer. Mais si on les méprise, ils sont capables de causer chaos et destruction, d’autant que les plus petits sont les plus susceptibles.

               Leur esprit est divisé en deux parts : Nigi-mitama et ara-mitama ; schématiquement, une âme calme et une âme violente qui apparaît en situation de guerre ou de catastrophe naturelle. Ils sont encore de deux sortes : les uns, que l’on nomme les Kami Célestes (amatsukami) et qui vivent dans la haute pleine du Paradis Takama-ga-hara sont immortels et les autres, présents sur terre avant la descente de Ninigi selon la mythologie -car la foi Shinto accorde une importance remarquable aux mythes- ou descendants de Kami l’ayant suivi, autrement dit les Kami du pays (kunitsukami), sont inhumés après leur mort.

               Souvent, ils sont représentés par des symboles, Shintai, tels que miroir, sabre ou encore effigie, soigneusement conservés dans le bâtiment central des sanctuaires, le honden. La croyance veut que ces esprits soient cachés de notre monde et vivant dans un espace parallèle entre le ciel, leur séjour, la terre et les enfers qui se veut le reflet du nôtre sans être pour autant fixés dans un lieu précis. Ils sont capables de se déplacer, de visiter les lieux de cultes qui leur sont dédiés.

Kami protecteurs de part et d'autre d'un sanctuaire à Kagurazaka

Les Kami n’ont pas toujours été fixes. Dans le Shinto ancestral, ils étaient reliés à la terre et assistaient les premiers groupes de chasseurs-cueilleurs dans leur vie quotidienne, incarnant leur environnement le plus proche : esprit de la terre, des montagnes ou de la mer. Par la suite, la conception des kami s’est vue évoluer avec l’importance attribuée à la culture du riz. Ils sont peu à peu devenus les figures tutélaires de la croissance de ces pousses et des bonnes récoltes. C’est ainsi que naquirent les kami de la pluie, du sol et du riz que l’on connait sous le nom d’Inari, honorés à travers nombre de rituels et cérémonies dans l’espoir de rendre les terre fertiles. Si les rites sont encore nombreux aujourd’hui, il n’existe aucune réglementation religieuse spécifique, ni aucune hiérarchie entre les kami. Les rares évènements dotés d’une fixité dans le temps sont les matsuri ou festivals annuels durant lesquels le symbole du kami local est honoré. Néanmoins, certains lieux s’avèrent hautement sacrés à l’instar du Mont Fuji ou encore du Sanctuaire d’Ise qui renferme le miroir sacré d’Amaterasu, déité importante car, entre autres vertus, elle protège le peuple des invasions.

               Avec toutes ces particularités, le shinto, parce qu’il ne comporte pas de doctrine établie ni de règles formelles, parce qu’il n’a pas de fondateur ni d’écritures ou textes sacrés, constitue plutôt un ensemble de pratiques et de coutumes qu’une religion à part entière. Le Shinto est même plus qu’une religion ; il englobe les idées et les attitudes qui, au fil du temps, sont devenue la façon dont le peuple japonais pense, voit le monde et fait les choses. Enfin, par son intermédiaire, les Japonais payent également respect et gratitude à leurs ancêtres.

Détail d'un des édifices du Sanctuaire Toshogu à Nikko

               Pour voir leurs vœux exaucés par les Kami, les japonais se rendent au sanctuaire, jinja en japonais, souvent bâti en des lieux et sites exceptionnels. Son entrée est marquée par un torii, grand portique généralement vermillon pour éloigner les mauvais esprits et comme ligne de démarcation entre le monde sacré et le monde profane, le pur et l’impur. Du fait de cette fonction symbolique de frontière, chaque torii, parce qu’il permet l’accès au monde spirituel doit être retraversé dans l’autre sens, à la sortie du sanctuaire afin de revenir dans le monde matériel. En ce sens, il n’est pas voir rare de voir des japonais contourner un torii lorsqu’ils pensent ne pas repasser dessous ensuite. Le caractère sacré du sanctuaire est encore marqué par la présence de Shimenawa, corde tressée de chanvre ou paille de riz à laquelle est souvent accroché un goei constitué de deux bandes de papier. Les Shimenawa peuvent encore entourer un arbre ou un rocher pour marquer le territoire du Kami. Auquel cas, le domaine doit être protégé de toute forme de dérangement et pollution. Une fois entré dans l’enceinte sacrée, le fidèle se purifie auprès du chozuya selon un rituel bien particulier. Chaque bassin est surmonté d’une fontaine depuis laquelle se jette une eau pure. Maintenus par des bambous ou simplement posées sur le rebord, des louches, hishaku, qu’il convient d’utiliser pour se laver de toute souillure. La pratique souhaite que l’on saisisse le hishaku de la main droite avant de le remplir. Ensuite, il convient de verser un peu d’eau sur sa main gauche, puis sur la main droite, de saisir à nouveau la louche de cette dernière pour se rincer la bouche en versant un peu d’eau dans sa main gauche. L’eau doit être recrachée à l’extérieur du bassin, sur les galets. Le restant doit servir à nettoyer la main gauche à nouveau, car c’est dans celle-ci que nous avons porté l’eau à notre bouche. Enfin, redresser le hishaku à la verticale pour que s’écoulent les dernières gouttes avant de le replacer, coupelle face contre le bassin. Après purification, il est coutume de se rendre auprès de l’autel du sanctuaire pour adresse ses vœux aux Kami. Là, devant une boîte à offrande dans laquelle le rituel veut que l’on jette une pièce (5, 10 ou 100 yens ; la préférence allant tout de même à la pièce de 5 yens pour l’équilibre qu’elle représente lié au trou en son centre et parce que 5 Yens en japonais, « Goen », a la même prononciation que « destin »), tout en haut d’une longue tresse épaisse se trouve une cloche. Il s’agit d’attirer l’attention des esprits en la faisant tinter, puis de s’incliner deux fois et de frapper deux fois dans ses mains. A la suite de quoi, en gardant les mains jointes, faire un vœu et s’incliner une dernière fois dans le but de montrer sa gratitude. Il est également possible d’écrire son vœu sur une petite tablette votive appelée Ema, que l’on accroche sur un large panneau de bois. 

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                    L E   B O U D D H I S M E   O U   L A   P O U R S U I T E   D E   L A   S E R E N I T E

 

 

               Le bouddhisme, lui, n’est pas aussi intrinsèquement lié à l’histoire du Japon dans la mesure où il est le résultat d’une importation. Il a en effet été introduit entre 538 et 552 sous l’influence de la Corée. Le roi du royaume coréen de Baekje aurait envoyé une missive à l’Empereur Kimmei pour lui demander un soutien face à son voisin belliqueux, le Royaume de Silla. Accompagnée de celle-ci, il joignit une statuette dorée de Bouddha ainsi que plusieurs rouleaux d’écritures bouddhiques dans le but de lui présenter le culte et de lui en vanter les mérites. Non certain de devoir accepter l’existence du Bouddhisme en ses terres, l’empereur rassembla ses trois plus proches conseillers pour les consulter à ce sujet. L’un d’entre eux s’avéra d’accord pour l’introduction du bouddhisme quand les deux autres refusèrent catégoriquement, craignant une vengeance des Kami. En dépit de leurs peurs, l’empereur décida tout de même d’un essai. Un monastère fut alors bâti pour abriter la statuette offerte. Sitôt l’introduction du bouddhisme faite, une épidémie se déclara, interprétée comme le fait des esprits shinto. L’empereur fit le choix de se débarrasser de la statue, mais c’était sans compter sur le déclenchement d’un incendie à l’intérieur du palais qui le poussa à croire qu’il ne devait pas abandonner le bouddhisme. Ce n’est pour autant que sous le patronage de son petit-fils, Shotoku que le bouddhisme perça dans le milieu de l’aristocratie. Il fut alors introduit par le haut, via les classes supérieures avant de toucher le peuple en raison de son enseignement difficile nécessitant d’être lettré. Pour autant, son introduction ne fut pas sans conséquence ni conflit : au contraire, elle fut prétexte à querelle entre clans. Ceux qui supportaient le shinto d’un côté, notamment le clan Mononobe et ceux qui souhaitaient le bouddhisme de l’autre, parmi lesquels le clan Soga qui finança la construction de nombreux monastères. A la suite d’affrontement qui couronnèrent les Soga vainqueurs, le bouddhisme gagna la foi de la cour entière et devint l’élément centralisateur du pouvoir impérial, déclaré en tant que religion d’Etat en 592. Cette période est alors prolifique en ce qui concerne la création des arts bouddhiques.

Le bouddhsime

Bouddha à Kamakura

               Peu à peu se développent plusieurs écoles différentes, tout particulièrement durant la période Nara (710-794) où on en dénombrait six. Plus que des courants religieux, ces écoles s’identifient  comme des groupes de pensées. A cette époque, les temples bouddhiques étaient d’ailleurs des lieux d’instruction et d’éducation, de véritables écoles à proprement parler. A la période Heian, deux nouveaux groupes de pensée s’ajoutent aux six préexistants fondés par des moines revenus de Chine dont le plus connu ; le courant Shingon mis sur pied par Kukai, figure importante du Japon pour son influence sur la culture et la civilisation japonaise. Son enseignement fait de la méditation une pratique qui permet l’unification du corps avec le mouvement de l’univers, permis sous plusieurs aspects avec les mains, la bouche et l’esprit. Le mandala représente la structure fondamentale de cette unification. A cela s’ajoute la dimension essentiellement symbolique, mystique et magique des pratiques.

               Apparaît ensuite le courant Zen sous l’époque Kamakura, dont la pensée consiste à vivre au présent, ici et maintenant, sans espoir ni crainte et à trouver l’éveil qui permet la connaissance de soi grâce à la position assise zazen. D’autres écoles s’instituent après celle-ci jusqu’à la période Edo.

Grand Bouddha de Kamakura

               Le but du bouddhisme est en fait basé sur deux concepts au Japon : la foi en Bouddha, nommé Amida Butsu par les japonais, et le zen. Ces deux notions trouvent leur sources dans les sûtras, textes philosophiques qui régissant la conception du bouddhisme qui doivent être étudiés et observés durant les exercices de médication. Cet état de transcendance permet d’atteindre la quête ultime de la religion bouddhiste, à savoir l’illumination : la recherche de la sagesse et de la sérénité. Mais la vie est souffrance, parce que la vie est désir pour l’homme. Les enseignements de Bouddha sont d’ailleurs basés sur quatre vérités, qui reprennent cette réflexion :

  1. L’existence de la souffrance

  2. Son origine

  3. Les chemins qui permettent de la faire cesser

  4. La fin de la souffrance

               Dans le but d’atteindre la plénitude, cet état délivré de toute souffrance encore appelé le Nirvana, l’ascétisme c’est-à-dire la recherche de la perfection par le renoncement au bénéfice personnel et la privation. Ce sont ces préceptes qui permettent de comprendre le sens véritable et profond de la sagesse et de la sérénité. Atteindre le Nirvana, c’est encore se délivrer du cercle de la réincarnation et devenir un être éveillé, disposant d’une nouvelle conscience et réalisant l’impermanence de toute chose, libéré de l’égo vaniteux. 

Dans un temple de Miyajima

                C’est au temple, otera, que les japonais se rendent pour rendre hommage à Bouddha. Là encore, l’entrée dans le périmètre sacré est marqué par le franchissement d’une porte gardée, de part et d’autre, par des statues de Nio, également appelées Kongō-rikishi, divinités gardiennes des espaces sacrés et qui barrent la route aux mauvais esprits. Le temple se compose généralement de trois bâtiments, parfois plus, ce qui fait du temple un véritable complexe. Le butsuden, ou bâtiment principal, renferme systématiquement l’image de la divinité vénérée ou la statue de Bouddha. C’est sur le perron de cet édifice que se trouve l’autel devant lesquels les japonais peuvent adresser leur prière simplement en déposant une pièce dans la boîte à offrandes prévue à cet effet et en s’inclinant, il est possible également d’accompagner ce moment de trois bâtonnets d’encens à brûler. Parfois, juste devant, avant les marches qui y guident, se trouve un encensoir comme au Senso-ji à Asakusa. Selon la croyance, la fumée qui s’en dégage serait propice à la guérison de tous les maux. Ainsi, il n’est pas rare de voir les japonais passer un moment à s’imprégner de ce nuage. Les autres bâtiments sont le kodo, ou salle de lecture, édifice dans lequel il est possible d’assister à une lecture, l’équivalent du sermon, tenue par un moine. C'est également dans cette salle que sont organisées les réunions entre religieux. Enfin, elle peut encore servir de salle d'exposition pour les objets sacrés. Le troisième édifice le plus représenté au sein des temples est la Pagode. Contrairement aux deux autres, elle ne se visite pas. De trois à cinq étages, elle conserve une relique de Bouddha qui n’est, bien souvent, qu’une représentation.

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                Depuis des siècles, le Shintoïsme et le Bouddhisme cohabitent dans le cœur des japonais, sont davantage attentifs à leurs ressentis intérieurs plutôt qu’aux théories dogmatiques, ce qui rend possible la coexistence pacifique de plusieurs approches dans leur vie spirituelle. A cela s’ajoute le fait que les deux cultes ne se contredisent pas et se complètent même plutôt bien. D’une part, la nature populaire et polythéiste du shinto permet sa compatibilité à d’autres cultes non concurrents ; d’autre part, l’absence de prétention à l’exclusivité dans le bouddhisme autorise de prier différents dieux, tant que les enseignements de Bouddha sont scrupuleusement suivis en parallèle.

               Au cours de leur longue histoire, les croyances ont pratiquement toujours adopté la forme d’un syncrétisme. Dès l’introduction du Bouddhisme, la juxtaposition suivit son cours ; les Kami furent considérés comme protecteurs de ce dernier, permettant à son enseignement de pouvoir s’épanouir ; syncrétisme que l’on nomme couramment shinbutsu shugo. Au VIIIe, cette cohabitation pris une nouvelle dimension avec le maître Kuaki qui expliqua l’absence de différence essentielle entre Amaterasu et la manifestation de Bouddha Vairocana en tant que Grand Soleil, ni entre Kami et bodhisattva autrement les bouddha n’ayant pas encore atteint l’éveil. Ce mélange des deux systèmes de croyance aboutit à une recomposition des panthéons, amenant à la création de nouvelles divinités. De nouvelles écoles de pensée naissent, à l’instar de la secte Shugendo, une forme de bouddhisme ésotérique, intégrant nombre d’éléments shinto, où la relation entre l’Homme et la Nature se fait primordiale et où la montagne est le domaine sacré d'une divinité se voulant objet d'un culte.  Par ailleurs, en ces temps les temples bouddhistes étaient souvent rattachés aux sanctuaires Shinto, soit par des liens forts entre les édifices, soit parce qu’un temple pouvait être construit dans l’enceinte d’un sanctuaire et le prêtre lire autant les sutras bouddhistes que s’occuper des événements liés au culte shinto. Ainsi, Inari, divinité rattachée à la culture du riz, dont le grand Fushimi Inari-taisha aux mille torii est dédié est considérée également comme la protectrice du Toji-ji de Kyoto. En résulte des cérémonies communes aux deux édifices.

Shinto-Bouddhisme

Yasukuni à Tokyo où sanctuaire et temple se confondent

               Le syncrétisme religieux shinto-bouddhique constitua et constitue encore la "religion naturelle" des japonais, même après la séparation arbitraire des deux cultes durant la restauration Meiji de 1868 entraînant la destruction de certains pavillons et statues bouddhistes.

 

               Dans la pratique actuelle, les japonais s’adressent plutôt aux esprits shinto pour demander aide et assistance lors des différentes étapes de la vie : travail, examens, amour, santé… ce qui explique le nombre prolifique de petites amulettes vendues dans les sanctuaires afin d’apporter la fortune pour ces différents domaines. Le bouddhisme, lui, est plutôt invoqué pour le deuil et le salut des défunts. Ces caractéristiques ne sont aucunement inscrites dans la nature de ces cultes, il s’agit d’une préférence largement rependue qui s’est faite coutume, pour ainsi dire. Par exemple, même si elles ne sont que rarement pratiquées, les funérailles shinto existent. Dans les faits, la pratique cultuelle suit un certain pragmatisme : les japonais, dans la mesure de leur demande religieuse se tournent vers la ou les divinités les plus à même de répondre à leurs besoins spirituels à un instant T. Ce que les japonais recherchent avant tout dans le culte, plus que l’espoir d’un potentiel paradis auquel peu croient finalement, ce sont les bienfaits dans l’existence présente.

Temple à Ueno

Autres minorités

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                   A U T R E S   M I N O R I T E S   C U L T U E L L E S

 

               Si le bouddhisme et le shinto sont les cultes principaux de l’archipel, il existe également une petite minorité chrétienne qui représente moins de 2% de la population, soit quelques 2 millions de personnes. L’évangélisation par les jésuites portugais au XVIe siècle ne fut pas perçue d’un très bon œil par le pouvoir impérial. Si, dans un premier temps les missionnaires furent accueillis à bras ouverts et permirent le développement du christianisme doucement et sans heurts, en particulier dans la région du Kyushu, leur volonté d’imposer celui-ci comme religion unique, en excluant par conséquent toutes les autres fut le point de cristallisation. Des persécutions eurent lieu sous le shogunat de Hideyoshi, puis, sous Tokugawa, les jésuites furent expulsés, les rebellions écrasées dans le sang et les massacres. L’empereur décida de fermer son pays à toute intrusion empêchant toute entrée sur le territoire en dehors de quelques marchands hollandais et toute sortie des japonais sous peine de mort.

 

               En ce qui concerne l’islam, quelques rares documents historiques relatent un contact avec le Japon avant l’ouverture de celui-ci en 1853, mais les premiers contacts modernes se firent à la fin du XIXe siècle par l’intermédiaire des Malais qui servaient à bord des bateaux de commerce anglais et néerlandais. A la fin des années 1870, la vie de Mahomet fut traduite en japonais, ce qui permit à l’islam de trouver sa place dans l’imaginaire intellectuel, du moins uniquement en étant rattaché à l’histoire des cultures. Ce serait en particulier après la guerre que l’ouverture aurait été la plus grande au culte islamique ; l'invasion japonaise de la Mandchourie durant la Seconde Guerre mondiale permit aux Japonais le contact avec des musulmans. Certains d’entre eux firent le choix d’embrasser l’Islam et, de retour au Japon,  y établirent la première organisation musulmane japonaise en 1953. Actuellement, il n’existe aucune évaluation fiable de la population musulmane au Japon. En 2010, le centre islamique du Japon estimait que le culte regroupait 100 000 individus, dont 10% seraient des japonais convertis. Pour d’autres organismes, les chiffres tournent autour de 200 000 individus avec une forte représentation d’indonésiens, de bangladeshis, de pakistanais, et d’iraniens musulmans.

                Enfin, l’influence du taoïsme chinois se retrouve dans la culture japonaise à travers l’astronomie, la divination et la prédiction de l’avenir dont les japonais sont particulièrement friands. Aujourd’hui les principes taoïstes sont encore très présents dans les techniques respiratoires de la méditation et du yoga ainsi que dans la pratique des arts martiaux. Le confucianisme, lui, avec le zen a joué un rôle majeur dans l’élaboration du code des samouraïs, autrement appelé Bushido, tout en contribuant à mettre en place une morale politique basée sur l’harmonie sociale, les vertus de l’obéissance et de loyauté. Il a permis notamment de renforcer le culte des ancêtres et de l’empereur.

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A vos claviers !

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